Diaporama:Médailles du Souvenir Français
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Pierre Ropiquet, dernier déporté niortais encore en vie, recevra la plus haute distinction du Souvenir français, samedi 21 février, à 17h. Pendant de nombreuses années il a témoigné de l’horreur des camps auprès des jeunes Niortais. Il raconte.
Pierre Ropiquet a 19 ans quand il est arrêté par la Gestapo, le 22 mars 1944, sur la ferme de son cousin, à Bonnes, dans la Vienne. D’abord emprisonné à la Pierre Levée, près de Poitiers, où il subit les coups de ses geôliers, il est interné au camp de transit de Royallieu, à Compiègne. Le 2 juillet 44, il est appelé sur le quai de la gare avec 2 300 camarades. Ils montent par groupe de 100 dans des wagons pour une destination inconnue. Au bout du voyage qui durera quatre jours, le camp de Dachau où il abandonne son identité pour devenir le matricule 77363. Puis, il est transféré au camp de Neckarelz, et enfin à celui de Vaihingen duquel il s’échappe le 6 avril 1945. Après un séjour à l’hôpital de Spire (Allemagne), il rentre à Niort le 22 mai 1945 où il retrouve sa famille et ses amis. Suivra une longue période de convalescence et de retour à une vie (presque) normale.
Pierre Ropiquet : "Oui, c’est très très important. Même encore de nos jours. Quand on sera tous partis (ndlr. Les anciens déportés) c’est la mémoire de cette époque qui s’éteindra. Je dois vous avouer que j’ai toujours peur, surtout quand on voit ce qui se passe dans le monde depuis quatre ou cinq ans. Cette idéologie-là n’est certainement pas éteinte et il y aura toujours des gens pour reprendre le flambeau. J’ai beaucoup témoigné pendant quinze années de suite, mais maintenant je ne peux plus, je tiens à peine sur mes jambes. Et témoigner assis, ça ne va pas, il faut que je sois debout, face aux gens. J’ai encore cette chance alors que tant d’autres y ont laissé la vie. Il y a un devoir de mémoire, certes, mais aussi un respect envers ceux qui y sont restés".
Pierre Ropiquet : "Non, parce que trotte toujours la question de savoir si on s’est bien occupé de nous quand on est revenu. Moi je dis non, pas assez. Et puis, on n’osait pas dire tout ce qu’on avait subi. On pensait que les gens ne nous croiraient pas. Mon tout premier témoignage, je l’ai fait en 1974, à la demande de ma plus jeune fille, quand elle était en terminale à l’école à Notre-Dame. Elle voulait que je lui parle, à elle et à ses camarades, de la déportation. Ça a commencé comme ça. Mais je n’ai vraiment commencé à témoigner devant des classes qu’en 1989, à la demande, cette fois, de ma petite fille Florence. Et après, il y en a eu beaucoup d’autres".
Pierre Ropiquet : "Il faut surtout rester calme, ne pas céder à la panique. Et, sûrement, avoir de la chance. Il y a eu la vie très difficile dans les camps, mais avant ça il a fallu supporter le voyage entre Compiègne et Dachau. On était 100 bonshommes dans des wagons qui ne pouvaient en contenir que 40. Beaucoup sont morts pendant le trajet. J’ai eu la chance d’être dans un wagon avec un homme, André Tesson, qui avait beaucoup bourlingué. Il a pris en main l’organisation du wagon, nous a donné des trucs pour mieux supporter le voyage. Ce qui m’a permis de rester calme pendant le voyage, c’est aussi que je ne savais pas où on allait. J’étais persuadé qu’on nous emmenait en Allemagne pour travailler. Quand on est arrivés à destination, un camarade a vu un panneau et a lancé « C’est Dachau, les gars. Nous sommes foutus ». Dachau, ça ne me disait rien, je n’en avais jamais entendu parler".
Pierre Ropiquet : "Oui, si l'on veut. Le 6 avril, les SS ont rassemblé tous ceux qui pouvaient marcher pour les déplacer. Je me suis mis dans les rangs et je ne sais pas ce qui m’a pris, je n’en sais rien, j’ai quitté la colonne, qui était encadrée par des soldats SS, et je suis retourné tout doucement vers le camp. Comme j’étais infirmier, ils ont dû penser que j’avais juste emmené quelqu’un. Je me suis caché pendant deux jours parmi les morts de l’infirmerie. Quand je suis sorti, il n’y avait personne dans le camp. J’ai vu un grand trou dans les barbelés, je suis sorti. Je suis alors tombé sur un soldat dont je ne reconnaissais pas l’uniforme. Il m’a demandé d’où je sortais, en français. Je lui ai alors indiqué le chemin du camp en lui précisant qu’il y avait là-bas, des gens en train de mourir. Je me suis donc, quelque part, libéré tout seul dans un réflexe de survie".
Pierre Ropiquet : "De retour chez moi, je vois tout de suite le docteur Saint Paul, un spécialiste des poumons, qui me diagnostique une rechute de la double pleurésie. Je dois garder le lit et me reposer. Je revois mes amis, je laisse passer l’été. Je tente un concours de contrôleur de la culture industrielle du tabac, que je rate, car je n’avais eu ni le temps, ni les capacités de beaucoup travailler. Début février 1946, je pars pour un mois de convalescence à Luchon, dans les Pyrénées, qui sera renouvelé deux fois. Ces trois mois à respirer le bon air pur m’ont fait grand bien. Ce sont des amis qui m’ont arrangé ça, mais pas les autorités françaises. Je vous dis, on n’a pas été pris en charge au retour. Je n’ai pas de rancœur par rapport à ça, mais ils auraient pu s’occuper davantage de nous. La seule chose qu’ils ont faite a été de doubler les tickets de ravitaillement pour les déportés".
Pierre Ropiquet : "Je viens de vous parler de mon séjour à Luchon. Eh bien, pour moi, la vie a recommencé là, quand je suis revenu chez moi, la veille de l’ouverture de la foire de Niort, quand elle se tenait sur la Brèche. La Ville avait monté un grand stand pour les déportés. J’y suis allé et j’ai rencontré un homme, Jean Thorigny, qui était directeur du ravitaillement. Je lui ai que je n’avais pas de travail et que je ne souhaitais plus vivre à la solde de mes parents. Il m’a fait venir dans son bureau, le lendemain j’étais embauché comme contrôleur-comptable de la section viande".
Petit à petit, Pierre Ropiquet se reconstruira une vie. Ce travail de contrôleur lui laissant du temps, il plonge dans les livres et travaille. Il se présente à un concours lancé par le ministère de la reconstruction et de l’urbanisme (MRU). Il est reçu, entre à l’école des métreurs-vérificateurs, à Paris et obtient le diplôme qui le ramène à Niort où il est nommé chef de la Section principale des travaux publics de l’État. Il s’occupe d’abord de démolition et de déblaiement, puis de superviser la construction des premiers HLM de la ville.
Du 10 au 15 octobre 1947, il sera cité comme témoin dans le procès des criminels de guerre du camp de Vaihingen, qui se déroule à Rastatt.
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